C'est la loi du genre, si l'on peut dire : un mouvement puise ses références dans le vivier du passé et les métamorphose à son gré. Le fait est plus inédit quand il saisit dans une culture honnie sa singularité, en se l'appropriant tout en la détournant.
Le "printemps français" apparaît comme une revanche sur Mai-juin 68, mais lui emprunte ses codes, ainsi dénaturés. Bien que ses zélateurs le proclament non politique et non partisan, il l'est bien évidemment. Il peut se lire en effet comme une réaction, dans tous les sens du terme, à 1968 ou à ce qu'il est supposé représenter.
En se baptisant "printemps", ses manifestants ne se réfèrent pas qu'à une humeur saisonnière. C'est un écho à un Mai sans pavés, à un Mai inversé. Ce mouvement se pense comme une résistance, voire comme la Résistance. Les tracts de La Manif pour tous se calquent sur un autre appel, d'une autre renommée : "Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas."
L'homme du 18 Juin est invoqué, comme si le spectre du général de Gaulle servait de protection face à la subversion. "Printemps français" claque aussi par son adjectif : rapprochée ou opposée au "printemps arabe", la proclamation de la nation arrime le mouvement dans une culture nationaliste ; en cela encore, elle brandit son opposition à l'anti-impérialisme et à l'internationalisme qui imprégnaient les "années 1968".
Se revendiquer du "printemps" est enfin une manière de se représenter comme sève et comme rel...
http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/05/23/trente-ans-de-reaction-intellectuelle_3416547_3232.html... La suite, pour les abonnés...
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