Faut-il soutenir les propositions de François Hollande sur l’Europe ?
jeudi 23 mai 2013, par Fabien Cazenave
Lors de sa conférence de presse du 16 mai, François Hollande propose une nouvelle étape dans l’intégration de l’Europe. Devons-nous soutenir sa proposition ?
Il est rare qu’un président de la République fasse de l’Europe son annonce la plus importante lors d’une conférence de presse. Il y a là bien sûr un calcul politique mais c’est à saluer, tout comme il est à regretter qu’aucun journaliste ne l’ait questionné sur le sujet…
Voici la proposition de François Hollande telle qu’il l’a exprimée :
« Je suis à la tête d’un Etat fondateur de l’Europe. Mon devoir est de sortir l’Europe de la langueur et de réduire la désaffection des peuples qui ne peut que compromettre son avenir. Je prends une initiative en quatre points.
1. Instaurer un gouvernement économique réuni chaque mois autour d’un président, pour débattre des principales décisions économiques et fiscales
2. Un plan pour l’insertion des jeunes. Mobilisons, avant le cadre européen, une partie des fonds d’environ 6 milliards d’euros pour venir en soutien des jeunes européens.
3. Une communauté européenne de l’énergie pour coordonner les efforts et réussir à assurer la transition énergétique
4. Une nouvelle étape enfin, d’intégration, avec une capacité budgétaire attribuée à la zone euro et la possibilité de lever l’emprunt. »
Des propositions qui ne sont pas fédéralistes
Il n’y a rien de réellement nouveau dans ces propos. En effet, François Hollande avait déjà dessiné cette initiative lors d’une interview de six journaux européens, dont Le Monde, en octobre 2012. Le Taurillon avait déjà opéré à cette occasion un décryptage fédéraliste.
« L’initiative européenne » de François Hollande consiste en réalité à prolonger les propositions déjà formulées par Nicolas Sarkozy (avec les autres dirigeants européens) et actuellement en discussion dans les couloirs des chancelleries. Le gouvernement économique est un Conseil des Ministres de la zone euro, réunion des gouvernements des Etats membres afin d’assurer une meilleure coordination des politiques économiques. Une sorte de Conseil européen de la zone euro, un organisme intergouvernemental de plus dans les institutions européennes.
« L’avantage » d’une telle procédure est que cela ne nécessite pas de réforme des traités européens puisque comme pour le traité budgétaire (TSCG) il s’agirait avant tout d’un accord diplomatique entre les Etats.
La Commission européenne n’est a priori pas partie intégrante du schéma. Sauf si comme pour le Service Européen d’Action Extérieure, un membre de la Commission est à la tête des deux institutions. Le rôle du Parlement européen est très flou également.
En effet, lors de son audition devant les eurodéputés, Angela Merkel n’avait pas répondu alors qu’elle était interpellée clairement sur le sujet. Si le Parlement européen vote sur une décision prise par ce « gouvernement économique », faudra-t-il que les eurodéputés des pays non membres quittent l’hémicycle par exemple ?
On voit bien que ce nouvel organe institutionnel ne sera pas responsable devant les représentants directs des citoyens. Les dirigeants nationaux oublient encore une fois que pour qu’il y ait un vrai gouvernement économique, il faut un vrai gouvernement politique de l’Europe. Sinon, il ne s’agit que d’un accord international entre Etats qui se coordonnent. « L’Union politique » revendiquée par le président français est une Europe confédérale.
Devons-nous soutenir ces propositions ?
La proposition de François Hollande n’est pas fédéraliste. Devons-nous pour autant nous montrer extrémiste ? Devons-nous refuser toute proposition qui n’aurait pas suffisamment de label fédéraliste ? Les militants fédéralistes avalent les couleuvres depuis plusieurs années et se pose la question depuis longtemps.
Par exemple, le traité de Lisbonne, cette réponse intergouvernementale à des Français et des Néerlandais demandant une Europe plus « citoyenne ». Les Jeunes Européens - France, pourtant très critiques, avaient dû au dernier moment soutenir sa ratification. Les représentants politiques ne faisaient pas le boulot, la rue était une nouvelle fois laissée aux eurosceptiques. Et puis le Parlement européen avait plus de pouvoirs, la Commission pouvait potentiellement se transformer en gouvernement politique de l’Union européenne si le Parlement décidait enfin à s’imposer. Nous avions totalement sous-estimé à l’époque le poids que prendrait le Conseil européen du fait de son institutionnalisation dans les textes.
Nous ne pouvons plus perdre notre temps à soutenir une soit-disant « avancée » européenne nous empêchant de faire l’Europe politique dès maintenant. Pour autant, nous ne pouvons pas non plus nous retrouver aux côtés des eurosceptiques dans la rue et sur le web. Ils n’ont jamais partagé notre envie d’Europe. Alors soyons indifférents et militons avec plus de vigueur encore pour que les eurodéputés fassent la révolution européenne dont nous rêvons.
Faut-il militer « contre » cette proposition à caractère confédéral ? La réponse est non. Toute notre énergie doit être tournée vers les partis politiques européens et les eurodéputés. Ce sont eux qui doivent se saisir de la construction européenne. Il n’y a rien à attendre de chefs d’Etats et de gouvernements. Nous devons arrêter de leur demander d’abandonner certains de leurs pouvoirs par leur propre volonté. La crise terrible que nous subissons depuis 2008 aurait dû les faire réagir. Il n’en est rien.
La somme des intérêts nationaux n’a jamais donné le signal de l’Europe politique. Un Conseil européen de la zone euro ne fera donc jamais une union politique.
Fabien Cazenave
Ancien rédacteur en chef de la version française du Taurillon de novembre 2006 à novembre 2008.
Fabien l’Européen
http://www.taurillon.org/Faut-il-soutenir-les-propositions-de-Francois-Hollande-sur-l-Europe,05767
L'âne souligne:... "des Français et des Néerlandais demandant une Europe plus "citoyenne""... Ne soyons pas cyniques... Qui fait quoi? Qui manipule qui? Qui est responsable de quoi?... Les questions qu'il faudra bien se poser un jour sérieusement... Revenons sur le cours des choses, retrospective...2005? les rôles de la France et de la Hollande à cette époque sont intéressants, enfin des politiques... J'en ai déjà parlé ici.
Petit rappel:
http://www.europa-nu.nl/id/vgvqpnqs5qbn/referendum_over_eu_grondwet_in_nederland
http://www.europa-nu.nl/id/vh1wfwu37dts/nieuws/kabinet_leverde_belangrijke_bijdrage_aan?ctx=vgvqpnqs5qbn
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