vrijdag 16 mei 2014

Penser à quoi pourra réellement servir l'Internet...

http://www.laviedesidees.fr/Les-chausse-trappes-de-la-pensee-2665.html

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Du bon usage des généralités

En tant que déconstruction de la doxa promue par la Silicon Valley, l’ouvrage est réussi et les attaques de Morozov font souvent mouche, avec un humour non dépourvu de méchanceté. Si le propos tranche avec le discours dominant aux États-Unis, il n’est toutefois pas foncièrement original pour le lecteur français. Des auteurs comme Lucien Sfez, Armand Mattelart ou Philippe Breton [5] dénonçaient déjà dans les années 1980 et 1990 les raccourcis de l’« utopie de la communication », ainsi que les dangers de l’enthousiasme acritique pour l’informatique puis Internet. Les arguments de Morozov contre l’idéologie de la transparence, la mentalité technocratique ou le déterminisme technologique n’apportent ainsi rien de décisif à ce qui a déjà été écrit sur le sujet. Et on peut regretter qu’il ne s’arrête pas davantage sur certaines sources intellectuelles et culturelles des idéologies qu’il vilipende : la cybernétique de Norbert Wiener, les écrits de JCR Licklider, Douglas Engelbart et Ted Nelson, la contre-culture des années 1960.

Plus gênant, Morozov a parfois le même défaut que ses adversaires : la généralisation excessive. La notion d’ « Internet-centrisme » est très parlante, mais elle a pour inconvénient de rassembler dans une même catégorie critique des acteurs aussi différents que Google, Apple, Microsoft, Red Hat, Kim Dotcom, les Anonymous, les militants du logiciel libre, les créateurs des Creative Commons ou les contributeurs à Wikipédia. En s’opposant, à juste titre, à la mythification de « l’Internet », Morozov en vient parfois à considérer ses opposants comme s’ils formaient un camp unifié. Ce n’est pourtant pas le cas. Eric Schmidt, Lawrence Lessig et Kim Dotcom célèbrent chacun Internet, mais il ne s’agit pas vraiment du même Internet, et dans ses divergences se nichent de nombreux enjeux politiques, sur des sujets aussi divers que le rôle des FAI, l’économie de la culture ou le droit à la vie privée. Aussi si Morozov affinait un peu le trait, peut-être reconnaîtrait-il que certaines de ses positions (limiter le pouvoir d’entreprises comme Google ou Apple, promouvoir des technologies dont l’efficacité ne soit pas la valeur première) rejoignent en fait celles des militants du logiciel libre par exemple. Malgré ces quelques réserves, To Save Everything Click Here demeure l’un des ouvrages sur Internet les plus stimulants parus ces dernières années.

par Sébastien Broca

Pour citer cet article :

Sébastien Broca, « Les chausse-trappes de la pensée Internet », La Vie des idées, 16 mai 2014. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Les-chausse-trappes-de-la-pensee-2665.html

[5]Il faut souligner que Morozov cite ces deux derniers auteurs dans son ouvrage, et revendique même une certaine filiation avec l’approche de Philippe Breton dirigée contre les « fondamentalistes d’Internet ». Cf. Philippe Breton, Le culte de l’Internet, Paris, La Découverte, 2000.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Breton

P.s: pour passer à un nouveau chapitre de l'histoire des médias au XXIème siècle, il faudrait que les journalistes euX-mêmes osent rencontrer la société et eXpliquer l'essentiel de leur travail. Déontologie, etc. En fait, qui sont les journalistes? Et comment fonctionne la blogosphère? Ici, on aimerait bien remercier l'équipe de la plateforme Blogger. Qui fait quoi? Une rencontre conviviale au Peace Palace à La Haye, au chapitre Cyber, serait une idée. Et si tout changeait dans les médias? Dans le cadre du changement de paradigme dont on parle déjà depuis un moment... dans des livres et des blogs. Powershift?

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