Mai - Cette fois-ci ça y est. Voilà la grande aventure commencée. Contrat d'engagement signé, bon de transport en poche, le petit Dauphinois est dirigé sur Marseille. Il part le coeur joyeux sans regarder derrière lui, le passé est mort et seul l'avenir compte pour lui, les yeus tournés au sud il marche vers la terre promise, vers sa vocation. Et pourtant il a triste mine le nouveau défenseur de la République: 1m64 - 54 kilos - imberbe, il a tout du premier communiant. Il ressembe tout au plus à un enfant de troupe. arrivé au camp de transit de Marseille, on épluche sérieusement les papiers de ce gamin et les vieux sous-officiers se demandent quel drame familial a pu jeter cet enfant hors de chez lui.
Peu lui importe ce que l'on pense de lui. En attendant le départ le voilà moitié militaire, moitié civil à visiter Marseille cette porte de l'Orient où depuis les Phéniciens toutes les races du monde viennent échouer sans pourtant se mêler complètement. Il lui arrive même de visiter les veiux quartiers de Marseille voisins du Fort St-Jean où il est hébergé. Quelle misère, quelle crasse, que de vices étalés si près des grandes artères. Non décidemment, il vaut mieux s'en aller aller respirer l'air pur, créer quelque chose de neuf, travailler avec des peuples jeunes, les associer à un travail commun et améliorer leur genre de vie par un travail mieux compris.
Voilà le départ fixé et une semaine passée à Marseille est bien suffisante; surtout que Marseille n'est qu'une étape et non un but. L'embarquement se fait en compagnie d'une vingtaine de durs à cuire: Bat d'Af., légionnaires, chasseurs d'Afrique, un seul artilleur, un pauvre bougre de Corse presqu'illetré ce qui me fit mal augurer de mon futur régiment. enfin ne jugeons pas un ensemble (une grande famille comme dirat plus tard le commandant aux jeunes recrues) sur une seule tête de pipe. Un vieux rafiot ventru et poussif "Le Mansoura" cargo de la Compagnie Mixte est chargé de nous transporter en Afrique contre la somme de 17 Fr.50 pour les permissionnaires et billet gratuit pour le jeunot.
Au moment où les amares tombent à l'eau c'est avec un petit pincement au coeur que l'on voit le bâteau quitter la terre ferme. J'imagine que c'est ce que doit ressentir une maman lorsque l'on tranche le cordon ombilical. Arpès une heure de route nous venons à l'arrière du bâteau pour fixer dans notre mémoire la terre de France. Tout le panorama de Marseille s'étend devant nous; le soleil du matin frappe en rose et or tout ce qu'il touche. je n'avais encore rien vu de si grandios; la France est jolie et se fait belle lorsqu'on la quitte. Mais trêve de sensiblerie, c'est l'Afrique que j'ai voulu, personne ne m'a forcé à partir, pas de regrets, inutile de regarder en arrière, ce n'est pas le moment de se dégonfler.
Par L.B. (1903-1973), le grand-père de la dactylo.
À suivre...
Voir aussi:
http://leblogdelaneezelblog.blogspot.nl/2014/06/1921-extrait-pour-ceux-qui-sinteressent.html
http://leblogdelaneezelblog.blogspot.nl/2014/06/cest-dans-la-famille-aussi-perspective.html
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