L’internationalisation du droit, pathologie ou métamorphose de l’ordre juridique ?
Mireille Delmas-Marty est professeure honoraire et titulaire de la Chaire d’Etudes juridiques comparatives et internationalisation du droit de 2003 à 2011 au Collège de France. Invitée dans des universités internationales renommées, elle est souvent sollicitée comme experte auprès du Président de la République, du Ministre de la Justice, du comité de surveillance de l’Office de lutte anti-fraude ou de l’Union européenne. Mireille Delmas-Marty s’est également consacrée à la recherche, au sein de l’École des Hautes études en sciences sociales, de l’Association de recherches pénales européennes et de l’UMR de droit comparé (Université de Paris I/ CNRS).
Depuis 1984, Mireille Delmas-Marty dirige la Revue de science criminelle et de droit pénal comparé et participe à la rédaction de multiples revues nationales et internationales de même que de nombreux ouvrages de référence comme "Les forces imaginantes du droit" ou "Libertés et sûreté dans un monde dangereux" (aux éditions du Seuil). Sa dernière publication aux Éditions du Seuil s’intitule "Résister, responsabiliser, anticiper".
Introduction : du constat à la question
L’internationalisation du droit, qui ne relève ni du seul droit international, ni du seul droit interne, mais de leurs interactions.
Or celles-ci se multiplient, à mesure que se développent les interdépendances entre systèmes de droit :
- des interdépendances pratiques liées à la globalisation, qu’il s’agisse des flux (flux économiques et financiers, flux d’informations numérisées) ou des risques (notamment sanitaires et environnementaux) voire des crimes (terrorisme, corruption, trafics divers, y compris les trafics d’êtres humains ou d’organes) ;
- mais aussi des interdépendances éthiques attachées à l’universalisme des valeurs qui est désormais inscrit dans les instruments de protection des droits de l’homme et de lutte contre les crimes menaçant l’humanité (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocides) et qui sous-tend l’émergence des « biens publics mondiaux ».
Le résultat est que l’internationalisation du droit commence à perturber la conception traditionnelle qui identifie l’ordre juridique à l’Etat (modèle souverainiste). Certes l’Etat reste sujet fondamental de l’ordre et du droit international, mais il semble concurrencé par des acteurs non étatiques, comme les organisations internationales, mais aussi les entreprises transnationales, les organisations non gouvernementales, parfois les experts scientifiques.
L’ordre juridique mondial s’en trouve ébranlé, dans ses composantes essentielles : la responsabilité, la territorialité et la souveraineté. Juridiquement, il s’agit de catégories essentielles car elles déterminent les contours de l’ordre juridique, or ces catégories sont à première vue affectées par l’internationalisation du droit : qu’il s’agisse de la responsabilité, diluée par la multiplication des acteurs liée à la mondialisation ; de la territorialité menacée d’une « déterritorialisation » de la norme juridique qui accompagne le développement de formes d’extra territorialité, de multi territorialité, voir de transterritorialité; ou de la souveraineté, affaiblie par la multiplication des interdépendances.
Ainsi dilution des responsabilités, déterritorialisation des normes et affaiblissement de la souveraineté se combineraient pour entraîner une dé/formation au sens littéral, donc une pathologie de l’ordre juridique devenu in/forme.
Et pourtant, cette déformation apparente pourrait aussi annoncer une métamorphose, par trans/formation d’un ordre juridique identifié à l’Etat vers un autre type d’ordre, à la fois interétatique et interhumain, international et mondial.
D’où la question et le thème de cette conférence- pathologie ou métamorphose de l’ordre juridique ? - puis l’esquisse d’une réponse – une métamorphose inachevée.
http://institutfrancais.nl/fr/agenda-culturel/dans-nos-murs/colloques-debats-d-idees/l-internationalisation-du-droit-pathologie-ou-metamorphose-de-l-ordre-juridique
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