woensdag 29 mei 2013

À l'Université...

Des savoirs qui s'enseignent surtout dans les universités
LE MONDE | 21.02.2013 à 15h05 • Mis à jour le 21.02.2013 à 15h05
Par Daniel Gaxie, agrégé et professeur de science politique à l'université Paris-I

Qu'est-ce que vous faites dans la vie ? Je suis professeur de science politique. Ah !, vous êtes à Sciences Po ? (Moue de curiosité admirative.) Non je suis professeur à l'université Paris-I. Ah ! ? ! ? (Moue de déception.)

L'Institut d'études politiques (IEP) de Paris est connu à travers un nom, devenu une marque : "Sciences Po" ! Il va de soi pour beaucoup que l'on y apprend la science politique et que l'essentiel de cette discipline se "fait" dans cet établissement.

Rien de plus trompeur en vérité ! La science politique est une matière intellectuelle exigeante qui se développe en divers lieux. Elle donne à voir le monde autrement. Elle mérite à ce titre davantage d'attention collective.

Rares sont les spécialistes de science politique qui enseignent à l'IEP de Paris. Beaucoup des chargés d'enseignement sont des praticiens des affaires, de l'administration, des médias, des sondages ou de la communication.

Ils entretiennent des rapports lointains ou anciens avec les sciences sociales. Les politistes sont minoritaires parmi les rares universitaires invités à enseigner. La science politique s'enseigne et se développe surtout en dehors de l'IEP de Paris, dans les IEP des régions et dans les universités, à commencer par Paris-I Panthéon-Sorbonne.

Cet établissement est le seul en France à posséder un département, des diplômes, une école doctorale, des chercheurs et enseignants chercheurs et des laboratoires entièrement voués à la science politique.

D'ÉVIDENTES CORRÉLATIONS

La comparaison des conditions de travail de cette université et de celles de l'IEP de Paris est douloureuse pour la première, mais instructive pour la réflexion collective. La politique universitaire de tous les gouvernements reproduit ces inégalités de traitement des établissements d'enseignement supérieur. On observe d'évidentes corrélations entre la hiérarchie des dotations des établissements et la hiérarchie sociale de leurs publics.

En dépit d'une situation matérielle qui n'honore pas notre pays, des centaines d'étudiants, venus de tous les continents, rejoignent chaque année les cursus de science politique de l'université Paris-I, de la licence au doctorat.

Les enseignements, les formations, l'encadrement, les perspectives d'insertion professionnelle et les recherches attirent. Des établissements de haut niveau de divers pays - aussi bien, par exemple, l'Université du Caire en plein "printemps arabe" que Columbia - s'engagent dans divers partenariats.

Les approches de la science politique développées dans ces cadres sont exigeantes et originales : questionnements scientifiques complexes et rigoureux, appui sur un grand nombre de traditions intellectuelles des sciences sociales, prise en compte des interrogations, inquiétudes et espérances de notre époque, travail d'enquête approfondi et novateur, intégration dans les réseaux de recherche nationaux et internationaux, portée des perspectives théoriques, vigueur de la réflexivité méthodologique, qualité et ouverture des discussions scientifiques.

L'originalité et la valeur des cursus reposent principalement sur une formation par la recherche fondamentale en association avec une initiation aux recherches de pointe. Cette approche intéresse divers secteurs professionnels, comme le journalisme ou les ONG.

LES ÉCOLES DE POUVOIR

Cette pratique de la science politique donne à voir le monde autrement que dans les écoles de pouvoir. Elle souligne l'écart entre les réalités sociales et politiques telles qu'elles devraient être selon les principes normatifs officiels nonchalamment tenus pour acquis, et telles qu'elles se révèlent quand on les soumet à des investigations scientifiques dignes de ce nom. C'est l'un de leurs apports les plus précieux.

Les milieux dirigeants français sont, pour l'essentiel, formés dans des écoles trop coupées de la recherche, notamment en sciences sociales. Mais les faiblesses de la formation en sciences sociales du politique sont surtout dommageables pour notre réflexion collective.

Il ne peut y avoir de réponse pertinente aux multiples défis collectifs sans lucidité sur le monde social. La recherche et la formation par la recherche y contribuent pour une large part.

Ce sont les lieux où elles se développent effectivement qui doivent être soutenus. La coupure sociale hiérarchique entre les écoles et les universités est une exception française. C'est aussi un handicap pour notre pays.

Daniel Gaxie, agrégé et professeur de science politique à l'université Paris-I

Daniel Gaxie, agrégé et professeur de science politique à l'université Paris-I (Panthéon-Sorbonne), directeur de l'école doctorale de science politique de Paris-I.

http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/02/21/des-savoirs-qui-s-enseignent-surtout-dans-les-universites_1836441_3232.html

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