woensdag 29 mei 2013

Les sciences politiques...

Ni think tank ni média, l'Institut d'études politiques doit revenir à ses fondamentaux
LE MONDE | 21.02.2013 à 14h13
Par Pascal Perrineau, professeur des universités à Sciences Po ; Lucien Jaume, directeur de recherches au CNRS

Lorsqu'il créa en 1872 l'Ecole libre des sciences politiques, ancêtre de Sciences Po, Emile Boutmy avait un objectif, celui de "faire mieux comprendre à la génération qui grandit la complexité et la difficulté des questions politiques".

Près d'un siècle et demi plus tard, cette raison d'être de Sciences Po doit être réaffirmée. Pour être d'un ordre différent, les défis de la France de 2013 n'en sont pas moins immenses : la France a du mal à épouser le monde ouvert qui est le nôtre, les institutions politiques semblent fatiguées, la crise économique avive les fractures de la société et la contestation enfle.

Plus que jamais, il est nécessaire d'avoir dans le paysage universitaire français un lieu qui apporte des grilles de lecture du temps présent, éclaire la décision publique, contribue à former les élites et, au-delà du seul monde universitaire, parle à l'ensemble de la société.

Depuis bientôt un siècle, c'est autour d'une meilleure compréhension de la question politique que Sciences Po a organisé toutes ces missions. L'histoire politique du temps présent, la science politique de l'élection, l'analyse des relations internationales, l'étude de la genèse et du destin des grands courants de l'esprit public, la recherche et la prévision économiques ou encore la réflexion sur les mutations sociales de la France, sont autant de marqueurs forts de l'identité intellectuelle de Sciences Po.

De grands laboratoires comme le CERI, le Cevipof, l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'Observatoire sociologique du changement ou encore le Centre d'histoire ont renforcé et diffusé, depuis des décennies, cette identité intellectuelle.

RÉAFFIRMÉ LE CARACTÈRE ORIGINAL DE SCIENCES PO

C'est autour de ces pôles essentiels que le caractère original de Sciences Po doit être affirmé et réaffirmé. En ayant bien conscience de son héritage intellectuel, Sciences Po saura entrer dans l'avenir en ne reniant rien de ce qui fait son identité : "Sciences Po", Sciences politiques, c'est-à-dire toutes les analyses scientifiques – qu'elles viennent de l'histoire, du droit, de la science politique, de la sociologie, de l'économie ou encore de la philosophie – qui étudient les processus politiques mettant en jeu des rapports de pouvoir entre les individus, les groupes, et surtout au sein de l'Etat, dans le cadre national et à l'échelle du monde global.

Aujourd'hui, trois piliers sont à considérer dans cette perspective. La Fondation nationale des sciences politiques, en premier lieu, comme garantie et centre de ressources de la recherche en collaboration avec le CNRS ; l'enseignement à l'Institut d'études politiques ensuite, avec sa diversité d'acteurs (universitaires, chercheurs, professionnels ou fonctionnaires de tous domaines) ; et, enfin, la fenêtre sur la société en tant que destinataire de nos travaux.

Il faut insister sur ce troisième pilier, peut-être laissé à une certaine spontanéité des rencontres, des débats ou des conférences organisés dans les différents lieux intellectuels de cet archipel qu'est Sciences Po.

Sciences Po est l'une des rares institutions où des diagnostics sur le monde présent peuvent être donnés à partir de la coopération entre chercheurs (source interne) et praticiens (source externe).

Mais on pourrait envisager que cette coopération soit déclarée finalité importante de Sciences Po, parce qu'elle serait plus intégrée, plus rationalisée, plus systématisée.

Aujourd'hui, devant l'abondance médiatique (où le produit brut se mélange aux analyses affinées), les citoyens disent qu'ils ont besoin de se forger un jugement élaboré et d'entendre des thèses en présence, opposées mais rationnellement construites.

ORGANE D'ÉCLAIRCISSEMENT DES CHOIX

Il ne s'agit donc pas de se transformer en think tank ni en institut d'expertise, mais en organe d'éclaircissement des choix et des conflits de société, à l'échelle nationale mais aussi mondiale, par le lien direct avec la recherche, alimentée de façon institutionnelle par la Fondation. Cette préoccupation doit nourrir non seulement la recherche mais aussi l'enseignement, les étudiants, les parents de ceux-ci et, au-delà, les citoyens grâce auxquels cette institution vit et se développe.

En somme le "service à la société" de la Fondation et de l'Institut d'études politiques n'est ni l'expertise, ni la décision partisane, ni un espace médiatique ; il consiste à préparer les citoyens aux choix qui les concernent ou concernent les décideurs ; fondamentalement, il s'agit de faire comprendre les conditions des choix que les décideurs opèrent, au sens où l'on parle pour un enseignement donné des "prérequis" qu'il demande.

Cela requiert des précisions de contexte, des facteurs techniques à déterminer, des données historiques et culturelles, des problématiques en termes à la fois de compatibilité (synchronie) et de continuité (diachronie).

Bref, le citoyen a besoin de savoir (pour donner une formule d'allure kantienne) : "A quelles conditions la thèse A est-elle possible, et pourquoi la thèse B peut-elle rivaliser avec celle-ci ?"

Les débats sur la succession de Richard Descoings seront un peu vains s'ils ne se posent pas la question essentielle : "Sciences Po pour quoi faire ?" Sciences Po a une longue et belle histoire intellectuelle, le défi est de savoir la prolonger, l'amplifier et la diversifier au service et à l'écoute du citoyen.

Pascal Perrineau, professeur des universités à Sciences Po ; Lucien Jaume, directeur de recherches au CNRS


Pascal Perrineau, professeur des universités à Sciences Po et directeur de son centre de recherches. "La Décision électorale en 2012", son dernier ouvrage vient de paraître aux éditions Armand Colin, 256 p., 25 €.

Lucien Jaume, directeur de recherches au CNRS (centre de recherches politiques de Sciences Po)

http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/02/21/ni-think-tank-ni-media-l-institut-d-etudes-politiques-doit-revenir-a-ses-fondamentaux_1836440_3232.html



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