vrijdag 15 februari 2013

Cours d'Antoine Compagnon sur l'auteur...

Qu'est-ce qu'un auteur?


[...]Dans tout débat sur l'auteur, disais-je, le conflit porte au fond sur la notion d'intention, c'est-à-dire sur le rapport que l'on suppose entre le texte et son auteur, sur la responsabilité que l'on attribue à l'auteur sur le sens du texte et sur la signification de l'oeuvre. Il est bon de rappeler ici les deux idées reçues, l'ancienne et la moderne, fût-ce en les simplifiant quelque peu afin de disposer d'une opposition de départ. L'ancienne idée reçue, à laquelle Barthes et Foucault objectaient, identifiait le sens de l'oeuvre à l'intention de l'auteur ; elle avait cours communément sous l'empire de la philologie, du positivisme, de l'historicisme.

Si l'on considère la littérature comme une communication entre un auteur et un lecteur, sur le modèle de la linguistique ordinaire où un locuteur envoie un message à un destinataire (ajoutons que le message porte sur un référent et que son médium est linguistique), la particularité de la littérature tien au fait qu'elle constitue une communication in absentia : contrairement à ce qui a lieu dans la communication ordinaire, l'auteur n'est pas là pour préciser ce qu'il a voulu dire. D'où l'inquiétude d'une détermination des relations entre texte et auteur, et le grand rôle traditionnellement dévolu à la philologie (étude historique de la langue définissant le sens contemporain de l'auteur), à la biographie et à l'histoire dans les études littéraires, afin de déterminer du dehors ce que l'auteur a voulu dire.[...]


http://www.fabula.org/compagnon/auteur1.php

[...]« L'objet d'un vrai critique devrait être de découvrir quel problème l'auteur s'est posé (sans le savoir ou le sachant) et de chercher s'il l'a résolu ou non » (t. II, p. 1191). Valéry, à la manière de Poe, Baudelaire et Mallarmé, suivant cette tradition, définit ici l'intention comme un problème, en termes quasiment mathématiques : l'œuvre répond à un problème que l'auteur se pose, comme un ingénieur. Le « vrai critique » n'est pas celui qui, noyé dans les petits faits de l'histoire littéraire, calcule indéfiniment « l'âge du capitaine », comme dit ailleurs Valéry, mais celui qui élucide le problème que l'œuvre pose et évalue la solution qu'elle lui apporte. La parenthèse ajoute cependant une difficulté : le problème peut être conscient ou inconscient ; l'auteur peut se poser un problème et résoudre un autre problème. On pourrait peut-être ajouter qu'une grande œuvre résout nécessairement d'autres problèmes que celui que son auteur s'est posé ; qu'une œuvre qui résout seulement le problème que son auteur s'est posé s'épuise avec la solution de ce problème.[...]

[...]Conclusion
Où en est aujourd'hui l'auteur, du point de vue de l'interprétation, et du point de vue de l'institution, puisque ce sont les deux fils que nous avons tenté de suivre dans ce cours.

Du point de vue de l'institution, la tension actuelle est évidente. L'auteur, le droit d'auteur sont mis en cause par les nouvelles technologies, la culture numérique et logicielle. Mais en même temps, résultat paradoxal de ces contestations, on n'y a jamais été aussi sensible.

Et d'un autre côté jamais les manuscrits ne se sont vendus aussi chers. En mai 2001, à une vente de manuscrits et de lettres autographes à Drouot, le manuscrit de Voyage au bout de la nuit de Céline a coûté onze millions de francs à la Bibliothèque nationale de France ; un poème de Rimbaud est parti à 900.000 francs, une lettre de Maupassant disant : « J'ai la vérole ! Enfin ! la vraie !! » à 245.000 francs, une page de dessins de Proust envoyés à Reynaldo Hahn à 125.000 francs. Mais Larbaud, Bloy, Gide ont atteint de petits prix. La canon, la hiérarchie sont nets, sans appel, entre les grands écrivains et les autres. Il est difficile de dire après cela que l'auteur est mort.

Du côté de l'interprétation, ce qui est sans doute plus important pour nous, je reviendrai pour finir sur l'idée que l'auteur (l'intention de l'auteur, mais aussi la mort de l'auteur) est le nom des interprétations jugées légitimes à une date donnée, c'est-à-dire validées par l'institution (universitaire). Le texte, c'était encore l'auteur : l'auteur modèle, l'auteur liminal, l'auteur mort. L'auteur désigne, peut-être mal, maladroitement, la nécessité d'une épistémologie et d'une éthique de la lecture ; l'auteur est le nom d'une norme pour l'interprétation.

Laissez-moi donc finir avec Barthes : « Comme institution, écrivait-il dans Le Plaisir du texte, l'auteur est mort : sa personne civile, passionnelle, biographique, a disparu ; dépossédée, elle n'exerce plus sur son œuvre la formidable paternité dont l'histoire littéraire, l'enseignement, l'opinion avaient à charge d'établir et de renouveler le récit. » Il ajoutait cependant : « Mais dans le texte, d'une certaine façon, je désire l'auteur : j'ai besoin de sa figure (qui n'est ni sa représentation, ni sa projection), comme il a besoin de la mienne (sauf à "babiller"). » Je désire l'auteur, j'ai besoin de sa figure. L'auteur : cette figure que je désire, dont j'ai besoin. Je ne lis pas une texte comme s'il était sans auteur.

http://www.fabula.org/compagnon/auteur12.php


http://www.fabula.org/compagnon/auteur.php

http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Compagnon


P.s: Il y a quelques mois, j'étais allée écouter Antoine Compagnon à Amsterdam.

Geen opmerkingen:

Een reactie posten