donderdag 28 februari 2013

Nouvelles technologies : et si on se déconnectait ? (un peu)...

Mots clés : Numérique, Internet, Addiction, États-Unis, Susan Maushart, Editions NiL
Par Astrid De Larminat Publié le 27/02/2013

Privés de médias électroniques, Susan Maushart et ses enfants, Anni, Bill et Sussy ont redécouvert les joies de la vraie vie.Crédits photo : Frances Andrijich/AP

Ordinateurs, smartphones, consoles de jeux : une mère de famille américaine a tout mis au placard pendant six mois. Une expérience passionnante qu'elle raconte dans Pause.

Quel parent d'adolescent, exaspéré et inquiet de voir son enfant immergé dans son ordinateur envoyer des salves de SMS à longueur de journée, n'a-t-il pas rêvé de le débrancher de ces appareils numériques? Susan Maushart, mère de famille divorcée, docteur en sociologie des médias de l'université de New York, l'a fait. Et pourtant, elle-même était accro à son smartphone. Mais un jour, relisant Walden de Thoreau, elle a décidé de dire stop. Elle annonça à ses enfants, Anni, 18 ans, Bill, 15 ans, Sussy, 14 ans, qu'ils allaient faire pendant six mois une merveilleuse expérience, un grand voyage dans la vraie vie… en vidant leur maison de tous ses écrans, c'est-à-dire: quatre ordinateurs, quatre téléphones portables, une console de jeu, quelques iPod et deux télévisions.

Réaction de sa fille cadette, typique d'un adolescent d'aujourd'hui: «Ce n'est pas juste ce que tu nous demandes. Tu nous imposes ta volonté.» Commentaire de la mère: «Mes enfants auraient préféré renoncer à boire, à manger ou à se laver les cheveux». Il faut dire qu'ils n'étaient pas loin de passer 7 h 38 par jour en compagnie d'un écran (téléphone non compris) comme l'adolescent américain moyen.

Dispo 24 heures sur 24

C'est donc au stylo qu'elle a tenu la chronique de leur cure de désintoxication. Le récit est drôle, enlevé ; la réflexion qu'elle mène, passionnante. Avant la coupure, comme toute mère de famille, elle était sans cesse sollicitée à son bureau par ses adolescents qui trouvaient normal qu'elle soit disponible 24 heures sur 24 pour répondre quand ils lui écrivaient par texto: «Il n'y a rien à manger», ou «Bill m'a frappé», ou «l'ampoule du salon a éclaté», etc. Quand elle sortait d'un rendez-vous, il n'était pas rare qu'elle ait dix ou douze appels en absence de ses enfants qu'elle rappelait, paniquée, pour s'entendre dire, «non, c'est bon, t'inquiète, on a retrouvé la télécommande». Que les téléphones portables accroissent dangereusement la dépendance des enfants à l'égard de leurs parents est une évidence dont on n'a pas toujours conscience.

L'usage des SMS a une autre conséquence sur les ados, remarque-t-elle. Il leur permet de modifier leurs rendez-vous au dernier moment et les habitue à remettre toute décision à la dernière minute, à ne rien prévoir. Quant au mode de communication induit par les textos et messageries instantanées, il n'y a qu'à jeter un œil sur ce que les adolescents y écrivent pour être d'accord avec elle: il est confus, superficiel, voire totalement incohérent. Sussy, qui compensa son manque d'Internet en passant des heures sur le téléphone filaire de la maison, l'a reconnu. Elle déclara qu'une conversation n'avait rien à voir avec une discussion par messagerie interposée: «Sur MSN, tu fais coucou, LOL, j'aime, j'aime pas. Au téléphone, par contre, c'est super-profond…»

Dix choses à la fois

Les écrans et le travail scolaire: autre débat, d'autant plus aigu, aux États-Unis et en Australie où réside cette famille, que beaucoup d'écoles donnent à leurs élèves un ordinateur pour y rédiger leurs devoirs. Un jour, Susan Maushart avait surpris sa fille Sussy en train de taper une dissertation sur le poète E.E. Cummings avec neuf fenêtres actives sur son écran. Six fenêtres de messageries instantanées, une septième qui passait un feuilleton téléchargé illégalement, et une huitième qui suivait les enchères en ligne d'un couple de perruches. Cerise sur le bureau: le téléphone en mode vibreur qui ne cessait de se tortiller. Les adolescents soutiennent qu'il est normal de faire dix choses à la fois et que leurs parents n'y arrivent pas parce qu'ils ont un cerveau d'un autre siècle.

N'empêche, trois mois après le début du sevrage, les professeurs de la jeune fille notèrent une nette amélioration de ses résultats scolaires (sans doute, aussi, parce que l'abus d'écran perturbe le sommeil et engendre une fatigue chronique: le chapitre consacré à ce sujet fait froid dans le dos). Certes, il est avéré que les médias électroniques sont en train de modifier l'organisation du cerveau, mais toutes les études de neurobiologistes que détaille l'auteur montrent que la capacité du cerveau à travailler en mode dit «multitâche» est un mythe. Le laboratoire de médias interactifs de Stanford, qui voulait pourtant prouver les avantages du «multitâche», conclut: «Les individus qui font plusieurs choses à la fois mélangent toutes les informations. Ils gobent tout et n'importe quoi sans discernement. Les multitâches sont tout simplement mauvais à presque toutes les tâches.»

L'auteur confirme: «Avant je me doutais que sauter sans cesse d'une tâche à l'autre ne pouvait favoriser un train de pensée fluide. Maintenant je le sais. Mes enfants sont sortis de l'état de “cogitus interruptus” pour devenir des penseurs plus logiques et plus concentrés.» Elle assure avoir vu leur capacité d'attention - très réduite - se développer de façon spectaculaire, si bien qu'ils étaient capables de «lire pendant des heures et non plus des minutes, d'avoir des conversations plus longues avec les adultes et de se projeter au-delà du moment présent».

Les bénéfices du sevrage furent multiples: l'un reprit avec passion l'étude de son instrument de musique, l'autre dont la chambre était un bac à linge sale géant retrouva le sens de l'ordre, la troisième se mit à cuisiner et à écrire un roman. La vie de famille s'en trouva également bouleversée: «Nous sommes plus proches les uns des autres», affirma l'aînée de la fratrie. Par exemple, ils ne fuyaient plus les repas pour retourner dans leur bulle multimédia mais s'attardaient à table pour discuter.

Enfin, ils se mirent à fréquenter leurs amis pour de vrai, ce qui n'est pas anodin: des études montrent en effet que les neurones dédiés aux rapports humains des individus qui ont grandi avec les nouvelles technologies sont souvent sous-développés, si bien qu'ils ont des carences dans certaines aptitudes sociales telles que l'écoute empathique.

«Pause», de Susan Maushart, traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Reignier, NiL, 366 p., 20 €.

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