vrijdag 15 februari 2013

Le mot égalité...

Toute revendication présentée au titre de l'égalité est-elle juste ?

Excellent sujet de philosophie que Thibaud Collin traite ce matin dans son audition ce à la Commission des Lois du Sénat sur le mariage. Voici son intervention :


"Je tenais tout d'abord à vous exprimer la gratitude et l'honneur que j'éprouve à présenter, à votre invitation, mon point de vue sur ce projet de loi objet de votre réflexion. Celui-ci est porté par le gouvernement au nom de l’égalité. Et ce à double titre. Au nom de l’égalité de tous les citoyens libres d’accéder au mariage ; au nom de l’égalité de tous les enfants de bénéficier des mêmes droits notamment du droit à la sécurité. L’égalité étant une des valeurs essentielles de notre République, il apparaît légitime de répondre favorablement à une telle revendication et de réparer la situation actuelle considérée dès lors comme injuste.

C’est, en effet, en prenant la justice comme critère que le législateur délibère. Comme le dit Montesquieu : « une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi, mais elle doit être loi parce qu’elle est juste »[1].

Madame Taubira dans son discours du 29 janvier 2013 s’est employé à retracer l’histoire du mariage civil depuis sa création en 1792 jusqu’à aujourd’hui pour souligner à quel point les conditions du mariage avaient évoluées. L’axe de son argumentation est que cette évolution n’est pas aléatoire mais qu’elle répond à une logique ; il y a bien un sens de l’histoire du mariage : la progressive actualisation d’un germe inscrit en lui dès sa création, les valeurs de liberté et d’égalité. En rompant avec les règles du mariage canonique, la République permettait à des gens jusque là exclus du mariage de se marier ; quelque soit son métier ou sa religion, tout citoyen devait pouvoir librement se marier.

De même, l’inégalité de statut constitutive de l'ordre familial tel que le Code Napoléon le définissait a laissé très progressivement place à une mise en cohérence du droit de la famille avec les valeurs de la démocratie. Le projet de loi soumis à votre délibération est ainsi présenté comme l’accomplissement de cette logique d’intégration de ceux qui jusqu’alors étaient exclus du mariage. Celui-ci deviendrait alors une institution véritablement universelle réalisant les promesses d’émancipation contenue dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Est-il possible de critiquer une telle présentation ? Et surtout à l’aune de quel critère ? Il paraît difficile à un citoyen normalement constitué de remettre en cause une loi se présentant comme l’application nécessaire des principes républicains.

Toute critique d’une telle relecture historique risque d'être soupçonnée de transiger plus ou moins consciemment avec le principe de laïcité. En effet, seul, semble-t-il, celui qui conserverait une conception sacrale du mariage, d’inspiration religieuse, pourrait impunément persévérer à en interdire l’accès à certains citoyens. Le sacré est compris ici comme ce qui est soustrait à la délibération politique. Invoquer une norme sacrée dans une délibération démocratique se déployant dans le champ de l’autonomie semble être une attitude contradictoire. Comme le dit clairement le sociologue Eric Fassin : « L’enjeu des controverses actuelles, c’est le statut des normes dans les sociétés démocratiques. Aujourd’hui, les normes sont-elles jamais définies d’une manière qui transcende l’histoire, sur un principe tel que Dieu ou la Tradition, la Nature ou la Culture, voire la Science – ou bien sont-elles toujours immanentes à l’histoire, définies par la délibération démocratique et la négociation politique ? Les normes sont-elles jamais naturelles – ou bien est-ce toujours la société qui s’autodéfinit ? Bref, dans des sociétés démocratiques, les normes peuvent-elles encore ne pas être appréhendées comme des normes sociales ? »[2] La loi démocratique apparaît ainsi comme l’objectivation de l'état social et mental à un moment de l'histoire ; c’est pour cette raison que la législation évolue. L’histoire et les sciences sociales deviennent dans cette optique les grandes auxiliaires du travail législatif.

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