dinsdag 9 april 2013

Alexis de Tocqueville (1805-1859)...

« Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »

Alexis de Tocqueville
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Alexis_de_Tocqueville

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La société démocratique transforme le lien social en faisant émerger un individu autonome. C'est une source de fragilisation qui peut déboucher sur une attitude de repli sur soi. Tocqueville va montrer que l'individualisme peut naître de la démocratie. La démocratie brise les liens de dépendance entre individus et entretient l'espérance raisonnable d'une élévation du bien-être ce qui permet à chaque individu ou à chaque famille restreinte de ne pas avoir à compter sur autrui. Il devient parfaitement possible pour son existence privée de s'en tenir aux siens et à ses proches.

« L'individualisme est un sentiment réfléchi qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables de telle sorte que, après s'être créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même ».

En choisissant de se replier sur ce que Tocqueville appelle « la petite société », les individus renoncent à exercer leurs prérogatives de citoyen. L'égalisation des conditions en rendant possible l'isolement vis-à-vis d'autrui remet en cause l'exercice de la citoyenneté. Le premier danger de la société démocratique est de pousser les citoyens à s'exclure de la vie publique. La société démocratique peut donc conduire à l'abandon de leur liberté par ses membres, parce qu'ils sont aveuglés par les bienfaits qu'ils attendent de toujours plus d'égalité directement ou indirectement. Tocqueville souligne que l'égalité sans la liberté n'est en aucun cas satisfaisante. L'accepter c'est se placer dans la dépendance.

Selon Tocqueville, une des solutions pour dépasser ce paradoxe, tout en respectant ces deux principes fondateurs de la démocratie, réside dans la restauration des corps institutionnels intermédiaires qui occupaient une place centrale dans l'Ancien Régime (associations politiques et civiles, corporations, etc.). Seules ces instances qui incitent à un renforcement des liens sociaux, peuvent permettre à l'individu isolé face au pouvoir d'État d'exprimer sa liberté et ainsi de résister à ce que Tocqueville nomme « l'empire moral des majorités ».

En ce sens, Tocqueville se montre critique envers une trop forte centralisation des pouvoirs (gouvernementaux et administratifs), qui selon lui « habitue les hommes à faire abstraction complète et continuelle de leur volonté ; à obéir, non pas une fois et sur un point, mais en tout et tous les jours »23. Ainsi, il fait à l'inverse l'éloge du système communal américain de l'époque (tout particulièrement celui de la Nouvelle-Angleterre, celui-ci étant plus important que dans les États plus au sud), où par le biais des Town meeting (assemblée citoyenne) la population a l'occasion d'exercer directement un pouvoir politique. Il affirme ainsi que « c'est [...] dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l'usage paisible et l'habituent à s'en servir », concluant que « sans institutions communales une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n'a pas l'esprit de la liberté. »24

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Réception de l'œuvre de Tocqueville

Sous-estimée en France pendant plusieurs décennies26, notamment à cause de la prééminence du marxisme[réf. nécessaire]27, mais toujours lue surtout aux États-Unis et par les catholiques Français (ou Européens) ralliés à la démocratie et les libéraux, l'œuvre de Tocqueville fut remise à l'honneur, d'une part par le déclin idéologique et politique du socialisme, d'autre part par la mutation de la vie intellectuelle des sociétés après la Seconde Guerre mondiale28. Raymond Aron, dans les années cinquante (notamment dans son Essai sur les libertés), sut reconnaître en Tocqueville un précurseur. Par la suite, le « tocquevillisme français » est devenu une référence dans différents horizons ou disciplines. Les historiens François Furet, André Jardin, Pierre Birnbaum, les philosophes Pierre Manent, Claude Lefort, Marcel Gauchet, et les sociologues Louis Dumont, Raymond Boudon contribuèrent à comprendre la richesse de l'œuvre de Tocqueville29. Plus récemment, le monde juridique a également redécouvert Tocqueville, non seulement en raison de sa profession d'avocat, mais également pour ses contributions au droit constitutionnel, français en 1848 et américain30.

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De la démocratie en Amérique, T. 1, première partie, chap. IV, « Des effets politiques de la décentralisation administrative aux États-Unis »
24.↑ De la démocratie en Amérique, T. 1, première partie, chap. IV, « Du système communal en Amérique »
25.↑ Beitone, A., Dollo, C., Gervasoni, J., Le Masson, E., & Rodrigues, C. (2004). Sciences Sociales. Paris, France: Sirey.p. 212
26.↑ Voir l'ensemble de l'ouvrage Tocqueville et les Français de Françoise Melonio, Aubier, Histoires, 1993, 408 p.
27.↑ Sa qualité de libéral l'a souvent disqualifié aux yeux de nombreux intellectuels en France. D'autant plus que l'écriture très classique de Tocqueville et sa démarche analytique l'a rendu éloigné des passions de son vivant. À ce sujet, voir Tocqueville et la littérature, de Françoise Melonio, Actes du colloque d’agrégation en Sorbonne du 13 décembre 2004, réunis par J-L Diaz et F Mélonio, préface de F Mélonio, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2004
28.↑ Alain Renaut, « La question de la démocratie dans la philosophie française contemporaine », in Jean-François Mattéi, Philosopher en français, Actes du colloque de Nice de 1999, Paris, PUF, 2000.
29.↑ Jacques Coenen-Huther, À propos du bicentenaire de Tocqueville [archive], Ambiguïtés d’une redécouverte aux résonances multiples, Revue européenne des sciences sociales, Cahiers Vilfredo Pareto
30.↑ La Pensée juridique d'Alexis de Tocqueville, colloque, Artois Presses Université, 2005; Arnaud Coutant, Tocqueville et la constitution démocratique, Paris, Mare et Martin, 2008, 680 p.


Œuvres

De la démocratie en Amérique, Schoenhofs Foreign Books (23 mai 1986), collection "Folio", (ISBN 2-07-032354-4)
L'Ancien Régime et la Révolution. Paris, Garnier-Flammarion, no 500 (édition F. Mélonio).
Lettres Choisies et Souvenirs (1814-1859), Gallimard, collection Quarto (édition: Françoise Mélonio et Laurence Guellec). 2003.
De la démocratie en Amérique, Souvenirs, l'Ancien Régime et la Révolution. Paris, coll. Bouquins, Éditions Robert Laffont, 1986. 1 volume.
Sur l'Algérie, GF Flammarion, présentation de Seloua Luste Boulbina.
Mémoire sur le paupérisme 1835, Mémoire présenté à la Société royale académique de Cherbourg et publié en 1835 par celle-ci dans les Mémoires de la Société royale académique de Cherbourg, 1835, p. 293-344
Œuvres Complètes. Paris, Gallimard, 1951-2002 (29 volumes parus).
Œuvres, Gallimard, coll. "Pléiade", 3 t., t. I : Voyages. Écrits politiques et académiques, 1744 p. ; t. II : De la démocratie en Amérique, 1232 p. ; t. III, 1376 p.
Quinze jours au désert (1831), le passager clandestin (édition), 2011.
Alexis de Tocqueville, Œuvres Complètes , Tome XIV, Correspondance familiale, appareil critique, notes et introduction , éditions Gallimard, mai 1998, 700p. présentation de Jean-Louis Benoît, Prix de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Caen, décembre 1998
Alexis de Tocqueville, Textes économiques, Anthologie critique, présentation de Jean-Louis Benoît et Éric Keslassy – éditions Pocket, collection Agora, mars 2005
Alexis de Tocqueville, Textes essentiels, Anthologie critique, éditions Pocket, collection Agora, Juin 2000, présentation de Jean-Louis Benoît, prix littéraire du Cotentin, novembre 2000.
Tocqueville, notes sur le Coran et autres textes sur les religions, présentation de Jean-Louis Benoît, Bayard, février 2007

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