zondag 14 april 2013

Sur les mères...

http://www.kristeva.fr/reliance_texte_du_film.html

Julia Kristeva

RELIANCE

[...]

Qu’est-ce qu’aimer pour une mère ? La même chose que dire, qu’écrire. Rire. Impossible. Flash sur l’innommable, tissages à déchirer. Qu'un corps s'aventure enfin hors de son abri, s'y risque en sens sous voile de mots. VERBE FLESH. De l'un à l'autre, éternellement, visions morcelées, métaphores de l'invisible.

[...]

Les Grecs avaient entrevu la difficulté de cette représentation du maternel en imaginant Trois Moires qui n'étaient que tisseuses coupant et reliant le Temps et le Chaos : la Fileuse, l'Enrouleuse de Fil, la Coupeuse de fil.

[...]

Au cœur de notre tradition monothéiste le rire de Sara - la mère d'Isaac - se tient au plus près de l'érotisme maternel : entre le destin (biologique) qui lui échappe (donc divin) puisqu'il est réglé par Yahvé, et son improbable fertilité à 90 ans, la princesse d'Abraham se contente de réagir par cette joie saccadée et sans nom. Incroyable et non moins certaine reliance à l'impensable : biologique ou divin ?

La vision chrétienne et tout particulièrement catholique nous avait habitués à une nativité harmonieuse, « bonne nouvelle » baignée de tendresse et de promesse. Jusqu'à cette inversion des rôles entre la mère et le fils : où le Christ lui-même se transforme en père-mère et tient Marie devenue à son tour bébée dans ses bras : « fille de son fils, terme fixe d'un éternel dessein», écrit Dante.

Avant que les peintres italiens ne s'emparent de la « sacra conversazione » de la mère et son mâle bébé, pour en résorber l'érotisme. Le maternel est désormais, dans la peinture occidentale, le maternel de l'homme-artiste. Les marbres drapés et les innombrables Nativités et Assomptions de la Vierge en témoignent.

[...]

A l'humanité unidimensionnelle du siècle dernier, succède aujourd'hui l'homme hyper-connecté et pressée qui communique par des « éléments de langage » et qui, quel que soient les risques de chaos et d'absence de vérité de son monde virtuel, semble rejeter « l'abandon vil au chef ».

Les socialistes britanniques cherchent précisément dans les soins maternels un prototype pour réinventer la solidarité sociale et refonder le lien social lui-même. Plus ludiques, les écrivaines françaises se souviennent qu'elles sont mères, et le maternel fait son chemin dans le roman féminin.

Si une éthique consiste à ne pas éviter l'embarrassante et inévitable problématique de la loi, mais à lui donner corps, langage et jouissance, alors cette éthique et une héréthique - avec un « th »- et elle exige la part des femmes, des mères en elles, et parmi elles des femmes porteuses de désir de reproduction, une stabilité en mouvement. Des femmes disponibles pour que notre espèce parlante qui se sait mortelle puisse supporter la mort. Des mères. Leur RELIANCE est cette éthique héréthique.

La face intime des lois morales : ce qui, dans la vie, rend les liens, la pensée et donc la pensée de la mort, supportables - l'héréthique est a-mort, amour... Eja mater, fons amoris. Ecoutons donc encore le Stabat Mater, et la musique, toute la musique... ça tient… Jusqu'aux éclats d'Anton Webern et ceux de Max Beckmann , qui révèlent l'éclatement de la reliance... lls engloutissant les déesses et en dérobent la nécessité sans renoncer à de nouveaux langages, de nouvelles reliances.

JULIA KRISTEVA








Geen opmerkingen:

Een reactie posten