zaterdag 13 april 2013

Problème...

http://www.lemonde.fr/idees/visuel/2013/04/11/comment-lutter-contre-la-fraude-fiscale_3158481_3232.html

Ne limitons pas les règles au seul territoire national

Le Monde | 11.04.2013 à 12h30

Marie-Chrisitne Dupuis- Danon (Experte en criminalité financière)

La fraude fiscale est un fléau permanent de nos sociétés. Economique à l'évidence, en ce qu'elle prive l'Etat d'une partie de ses recettes. Moral aussi, car elle affaiblit le lien qui existe entre la nation et l'individu à travers la contribution de ce dernier au bien commun.

Intéressons-nous ici à la "grande" fraude fiscale, celle qui existe au même titre que la grande délinquance ou la grande corruption. Elle est favorisée par deux facteurs. La mondialisation qui fait disparaître les frontières et les entraves à la circulation des personnes et des capitaux, renforcée par l'immédiateté et un certain anonymat des mouvements d'argent permis par Internet. La faiblesse des systèmes répressifs internationaux ensuite, lesquels demeurent des passoires à gros trous.

D'autant qu'au niveau national les possibilités de fraude se multiplient avec la modification incessante de la fiscalité. L'Etat, ne disposant plus des leviers d'action monétaire et budgétaire, utilise la fiscalité pour moduler sa politique économique.

D'un côté, le gouvernement souhaite supprimer les niches fiscales mais, d'un autre, il crée sans cesse des systèmes incitatifs ou dissuasifs par l'impôt. Moyennant quoi, il crée une incertitude fiscale dommageable à l'économie (alors qu'"un bon impôt est un vieil impôt"), ne peut prévoir d'inévitables contournements ("à nouvelle taxe, nouvelle fraude") et, enfin, rend le travail des enquêteurs et des services répressifs extrêmement difficile.

L'"OPTIMISATION FISCALE"

A cela s'ajoute un facteur moral. Essayer d'échapper à l'impôt national en profitant des disparités des législations étrangères n'est toujours pas considéré comme répréhensible.

L'"optimisation fiscale" est une affaire de spécialistes que les grandes entreprises et les riches particuliers consultent à grands frais. Avec la bonne conscience de rester dans la légalité tout en faisant porter la charge de tout ou partie de leurs impôts sur d'autres, moins "malins".

De l'optimisation fiscale à la fraude, le pas est vite franchi. Les possibilités d'échapper à l'impôt étant nombreuses grâce à la globalisation, le respect de la légalité tient en grande partie sur l'éthique et la gouvernance de la finance internationale, laquelle n'a pas bonne réputation en ces domaines...

La mondialisation s'est accompagnée d'une financiarisation de l'économie. Celle-ci a déresponsabilisé les acteurs de cette extraordinaire mutation. A ne plus rendre compte que de leurs résultats et non de leurs méthodes, ils ont contribué à une perte de l'éthique.

Les politiques, depuis longtemps dépassés, tentent de redresser la barre à grand renfort de discours sur la gouvernance, la conformité et la régulation, au G8, au G20 et ailleurs, sans succès significatifs jusqu'à présent.

Et, profitant de toutes ces faiblesses, les groupes criminels aussi s'en donnent à cœur joie. De temps en temps, la découverte de leurs agissements éclate au grand jour. Force est de reconnaître que c'est au moment où cet argent est blanchi, c'est-à-dire réinjecté dans l'économie que l'on se rend compte de la fraude initiale.

PHÉNOMÈNES DE MIEUX EN MIEUX RÉPERTORIÉS

En France, les autorités ne s'y sont pas trompées, qui ont rendu le blanchiment imprescriptible tant qu'il n'a pas été révélé, alors que la fraude initiale est prescrite trois ans après sa commission. Il faut cependant garder espoir. D'abord parce que, même si l'imagination des grands délinquants apparaît sans limite, ces phénomènes de fraude sont de mieux en mieux répertoriés et connus des instances répressives.

Ensuite, parce que la pression sur les centres offshore commence à porter ses fruits – même si l'on est loin du compte – et que le nombre de ces "juridictions non coopératives" diminue régulièrement. Et les économies basées sur le recyclage de la fraude montrent des vulnérabilités structurelles, comme on vient de le voir en Méditerranée...

Enfin, parce que la crise dans les pays occidentaux a réveillé une conscience citoyenne dans ce domaine.

Ce qui était acceptable au temps de la croissance devient intolérable quand l'Etat a besoin du moindre euro. De ce point de vue, les révélations d'"Offshore Leaks", même si l'on en voit immédiatement le risque d'effets pervers, pourraient faire plus pour renforcer les exigences de la société civile que n'importe quelle pédagogie fiscale initiée par le gouvernement.

Les mesures annoncées mercredi 10 avril par le Chef de l'Etat vont certes dans le bon sens – elles s'inscrivent dans une approche désormais classique et bien acceptée depuis une vingtaine d'années : transparence accrue des revenus des personnalités politiques, renforcement de la lutte contre la grande délinquance financière et contre les paradis fiscaux. Mais elles montrent a contrario les limites des approches nationales.

Tout aussi important serait aujourd'hui de progresser rapidement vers l'harmonisation fiscale au niveau européen et vers la révision de certaines conventions bilatérales d'imposition afin de rendre moins attractifs les placements à l'étranger.

Sans doute la période très difficile que nous traversons a-t-elle permis de mieux prendre conscience du danger économique que représente la fraude fiscale mais surtout de redécouvrir que la lutte contre toutes les formes de criminalité économique et financière constitue un élément indispensable de la justice lsociale sans laquelle toute société se déchire inévitablement face aux crises.

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