vrijdag 25 januari 2013

Philippe Quéau a écrit en 2006...

LEVIATHAN INC.


Au milieu du 17ème siècle, le philosophe anglais Hobbes emprunta le nom d’un monstre biblique, Léviathan, pour en faire le symbole de la « tyrannie de l’ordre nécessaire ». Il fallait selon lui un Léviathan pour sortir des troubles occasionnés par la révolution puritaine.

Aujourd’hui, Léviathan est toujours là. Il est plus déterminé que jamais à assurer sa puissance sur le monde. Il vise l’hégémonie, la puissance nue, pour son profit. Il ne cherche pas à unifier le monde, ou à créer les bases d’un Etat mondial. Il n’a que faire des marges et des marches. Mais il exige son tribu (le contrôle absolu, panoptique) et veut imposer sa loi à tous (le consensus des corps et la convergence des esprits).

Pour atteindre ses fins, la force ne suffit pas. Tissant une toile d’« informations totales» et de réseaux ubiquitaires, il veut s’établir comme une évidence, et s’emparer des esprits.

Léviathan est puissant, mais il ne supporte pas la mise en lumière et encore moins la liberté de la critique. Il lui faut user de l’hypocrisie et du mensonge pour assurer son pouvoir sur les esprits.

Cette hypocrisie révèle la faille fondamentale de Léviathan. Malgré sa puissance, il a peur d’être démasqué. Volontiers apocalyptique (surtout pour les plus faibles), il craint cependant plus que tout la révélation publique de sa vraie nature.

Il veut imposer sa loi au monde, mais il veut en même temps cacher ce que cette loi implique, et ce sur quoi elle est basée. C’est pourquoi Léviathan échouera inéluctablement. Contre Léviathan, il n’y a pas de meilleure arme que la recherche de la vérité et que la résistance critique. Et il n’y a pas de meilleure critique que l’exposé crue de ses idées, et de sa vision du monde.

A Léviathan il nous faut opposer la démonstration de ses causes (la peur, l’arrogance, le mépris, qui conduit à la guerre de tous contre tous et de chacun contre chacun) et de ses fins (la séparation métaphysique entre le Bien et le Mal, et l’apartheid politique qui s’en déduit). Il appartient bien à notre époque caparaçonnée, individualiste, relativiste, matérialiste, machiavélienne. Les utopies généreuses n’y sont plus de mode. Les notions d’intérêt général ou de bien commun ne sont plus que de simples « fictions »… Quand les idées universelles et les utopies sont dissoutes, il ne reste plus qu’une seule question qui compte désormais. Qui a le pouvoir ?

La question n’est plus : que penser ? Que faire ? Comment juger ? Mais bien : qui est Léviathan ? Qui possède aujourd’hui le monopole de la puissance ?

Léviathan nourrit une vision du monde manichéenne. Il vise la prééminence absolue, sans aucune contestation possible, grâce aux armes et aux idées.

Il ne veut pas assurer la gouvernance, pacifique et démocratique, d’un « monde commun ». Le monde commun est une chimère dit Léviathan. Il n’y a qu’un monde élu. Le reste est destiné à la déchéance. Léviathan nous somme de choisir le camp des « choisis » et des « élus ». Une guerre mondiale des civilisations ou l’ordre tranchant de Léviathan, telle semble être l’alternative.

Il y a cependant une autre possibilité. Il y a l’utopie de nouvelles Lumières, capables de nous aider à définir l’intérêt mondial, l’intérêt commun des peuples de la Terre. Du côté de l’Orient ont brillé jadis des lumières de foi et de raison. Et l’Occident sut reprendre ces flambeaux. Mais ces soleils-là suffiront-ils à nous éclairer demain? Le monde est aujourd’hui bien assombri. L’oiseau de Minerve, qui dit-on ne s’envole qu’au crépuscule, paraît lui-même aveuglé par une nuit si noire. Il nous reste à guetter le lever du jour, et l’envol des colombes.

Archive pour mai 2006

Publié dans Mondialisation, Philosophie politique, Politique et religion | 4 commentaires »


Qu'en pensent mes amis blogueurs, c'est ce que j'aimerais beaucoup savoir, peut-être peuvent-ils m'envoyer un mail à ce sujet ou bien y consacrer un billet sur leurs blogs, ou bien tout simplement essayer de laisser un commentaire ici.

Geen opmerkingen:

Een reactie posten