« ENQUETE
Médias : Sois jeune et tais-toi
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« Les jeunes aujourd’hui, c’est plus ce que c’était ». Eh bien non. Les adolescents d’aujourd’hui sont effectivement bien différents de leurs parents au même âge. Si l’incompréhension entre les générations n’est pas nouvelle, quelque chose a changé dans l’image que l’on donne des jeunes. Le monde des médias, d’habitude riche de sa diversité de points de vue, semble sur ce sujet unanime : des jeunes, on ne montre que les défauts. Ils sont accros aux réseaux sociaux ou alcooliques, ne se préoccupent pas de leur avenir et ne sont impliqués ni en politique, ni dans la vie associative. Fragil vous présente six jeunes de la banlieue nantaise, décrypte leur vision des médias et présente ce qu’ils pensent de leur jeunesse.
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Publié le 24 mai 2013
Simon Auffret
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Une jeunesse extrêmement médiatisée
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Le constat sonne presque comme une évidence : Internet est au centre des habitudes de cette génération née au milieu des années 90. Ayant découvert le monde d’Internet vers 10 ou 11 ans, ils sont pour la plupart lycéens et déjà rodés à l’utilisation de ce nouvel outil, devenu leur principal fournisseur d’informations médiatiques. Avec des réseaux sociaux (Facebook, Twitter et bien d’autres) eux-mêmes au cœur de leur vie d’internaute. Ce que l’on sait moins, c’est que finalement les habitudes médiatiques de cette génération ne divergent pas tant de celles de leurs aînés.
Conscients de leur mauvaise image dans les médias… et de l’absurdité de celle- ci
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L’usage du mot « jeune » depuis le début de cet article pour son côté pratique est pourtant au cœur des contestations de l’image de cette catégorie de la population dans les médias. Utiliser un seul mot, les « jeunes », une notion d’abord très floue (à partir de quel âge et jusqu’à quand peut on être considéré comme jeune ?) et incapable de représenter une diversité immense de caractères et de manières de vivre chez ces lycéens de 15 à 18 ans. C’est pourtant ce mot qu’emploient la plupart des grands médias quand ils abordent beaucoup de sujets : l’alcoolisme chez « les jeunes », l’alcool au volant chez « les jeunes » (qui ont ici plus de 18 ans, et ne font pas partie de la même catégorie d’âge que les premiers), l’addiction aux écrans chez « les jeunes », etc. Le problème n’est pas, comme nous l’expliquera Romain dans le même reportage, de parler ou non des jeunes dans les médias. Ce n’est pas une nécessité, ceux-ci représentant une minorité de la population (environ 22 % en 2011), qui plus est en constant changement entre le collège puis le lycée. Il n’y a pas de besoin de reconnaissance chez les jeunes français. Encore heureux. Mais puisque les médias dans leur ensemble ont décidé d’aborder cette tranche d’âge, autant qu’ils en abordent tous les aspects ! La situation est aujourd’hui très paradoxale. Les lycéens sont aujourd’hui présents dans les grands médias de deux façons : d’un côté, les journalistes arrivent à trouver des exemples des plus gros problèmes présents chez les jeunes.
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Des clichés en tout genre, parfois révoltants
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De très gros alcooliques, des « accros » aux jeux vidéos (jouant parfois jusqu’à 22 h par jour !), des toxicomanes… tout cela abreuvé de clichés en tout genre, parfois révoltants (un journaliste de France 2 s’étonnait même qu’un « fils de médecin » aille acheter de la bière peu chère dans un supermarché après les cours…). À l’exact opposé de cette mauvaise image, ce que certains journalistes appellent l’« élite de la nation », c’est-à-dire les élèves brillants, qui ont obtenu 20/20 au baccalauréat et qui font tous les ans l’objet d’un reportage, encore une fois, bourré de clichés. Ainsi, le journaliste s’étonne qu’il y ait parmi eux des jeunes « issus de quartier populaire », mais affirme toujours que ces élèves ont un point faible : « le sport ». Entre ces deux extrêmes, une immense majorité des adolescents qui ne sont ni toxicomanes, ni surdoués, et dont on ne parle absolument pas.
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Ces jeunes-là ont pourtant beaucoup de choses à dire : étant à l’opposé de ces clichés, ils s’insurgent parfois du manque de reconnaissance que leur apportent les médias. Puisqu’il en existe, des jeunes impliqués politiquement et présents dans le monde associatif, pleins d’initiatives et d’ambitions pour l’avenir. Et qui préféreraient presque qu’on ne parle pas d’eux, si c’est pour donner cette vision déplorable des lycéens français. Fragil en a rencontré six, et leur a posé plusieurs questions : quels médias consultent-ils ? Sont-ils conscients de cette mauvaise image dans les grands médias ? Qu’en pensent-ils ? Ce sont tous les six des contre-exemples des clichés présentés ci-dessus : sans doute méritent-ils qu’on parle d’eux.(…) »-
S’ils sont une minorité à consulter les versions papier des journaux nationaux et régionaux, ils se précipitent sur les sites web de ces mêmes rédactions. La confiance envers Internet semble être finalement limitée, puisque la tendance est à se servir de sources d’informations devenues depuis longtemps des institutions. L’apport d’Internet vient avec les pure-players, de plus en plus nombreux (Mediapart, Rue 89 ou même Politis) et qui commencent à convaincre les jeunes internautes de leur fiabilité. La raison de ce basculement vers le web est principalement motivée par l’aspect financier : la presse papier est loin d’accès du budget de bien des lycéens, qui préfèrent très souvent les articles gratuits proposés par lemonde.fr, liberation.fr et bien d’autres. L’accès payant à certaines informations est rapidement contrebalancé par un aspect important du comportement médiatique des jeunes : la multiplicité des sources. Il n’existe aujourd’hui plus aucun jeune qui se limite dans sa consommation à une seule source, un seul journal.
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L’accès immédiat et partiellement gratuit que permet Internet profite à cette habitude de ne jamais se limiter à un seul point de vue. Un jeune politiquement orienté à gauche n’ira sans doute pas lire Le Figaro, L’Express ou Les Échos. Mais il ne se limitera sûrement pas à Libération pour construire son idée de l’information, ici nationale ou internationale. Certains jeunes, comme Victor nous l’expliquera dans le reportage, s’exaspèrent même de l’implication excessive de certaines institutions médiatiques : dans ce cas, la multiplicité des sources permettra une vision non pas objective, mais du moins complète de l’information recherchée. Si Internet est un média aussi présent, c’est parce qu’il rassemble tous les autres dans un seul outil. La presse écrite évidemment, mais aussi et de plus en plus la télévision. Cette question autour des habitudes médiatiques des jeunes est primordiale dans le débat autour de la numérisation de la presse écrite : ce sont eux qui en seront, dans quelques années, les principaux consommateurs.
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http://www.fragil.org/focus/2221
http://blogs.lexpress.fr/attali/2013/05/27/la-presse-ecrite-dans-70-ans/#comment-136107
C'est chez Attali, toujours...
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