zaterdag 22 december 2012

A qui appartient l'Europe?...

La communautarisation du charbon et de l'acier, destinée, selon Robert Schuman, à rendre "non seulement impensable, mais matériellement impossible" toute guerre entre la France et l'Allemagne, n'est qu'une première étape de l'unification européenne. Au moment où commence la guerre froide, il ne s'agit pas seulement d'établir de nouvelles relations avec l'Allemagne, mais aussi de consolider l'Europe occidentale face à la menace soviétique.

Plusieurs initiatives sont lancées au cours des années 1950. Après l'échec de la Communauté européenne de défense, qui devait mettre sur pied une armée européenne, les promoteurs de l'unité européenne, échaudés, vont se tourner vers l'économie pour relancer la machine communautaire. La Communauté de l'énergie atomique (Euratom) et la Communauté économique européenne (CEE), longtemps connue sous le nom de Marché commun, voient le jour avec la signature, en mars 1957, des deux traités de Rome. (...)

Au cours des décennies suivantes, alors que le monde subit les "chocs pétroliers" de 1973 et 1979, l'Europe des Six s'engage dans la double voie de l'élargissement et de l'approfondissement. Georges Pompidou lève le veto français à l'adhésion de la Grande-Bretagne. Celle-ci entre dans la Communauté en 1973. L'Irlande et le Danemark l'accompagnent, mais pas la Norvège, qui dit non par référendum. Dans les années 1980, l'Europe des Neuf va devenir celle des Douze, avec l'arrivée de trois pays du Sud délivrés de leurs dictatures : la Grèce, en 1981, et l'Espagne et le Portugal, en 1986 ; puis, dans les années 1990, l'Europe des Quinze, avec l'adhésion, en 1995, de trois Etats ayant en commun leur politique de neutralité : l'Autriche, la Finlande et la Suède. L'élargissement de la CEE est salué comme un grand succès. (...)

Le traité de Maastricht, en 1992, introduit une innovation majeure : la monnaie unique. C'est l'aboutissement d'une longue marche, inaugurée en 1979 par la création du Système monétaire européen, qui a permis de stabiliser les taux de change. Les Douze se disent "résolus à franchir une nouvelle étape dans le processus d'intégration européenne". Un système européen des banques centrales (SEBC) est créé. Son objectif principal est de "maintenir la stabilité des prix".

Vingt ans après, l'Europe doute d'elle-même. Elle peine à s'unir face aux crises qui l'assaillent et se heurte à la montée de l'euroscepticisme dans une grande partie de l'opinion publique. La fin de la guerre froide, le bouleversement de l'ordre international, la mondialisation de l'économie ont mis à l'épreuve le projet européen.

Mais c'est surtout dans sa réponse à la crise financière de 2008 que l'Union européenne, mise en difficulté par ses divisions, révèle quelques carences. La recherche permanente du consensus a souvent pour conséquence de retarder et d'affaiblir les décisions nécessaires. Malgré ces insuffisances, l'intégration de l'Europe progresse sous la pression des événements. Au lendemain de la crise des subprimes aux Etats-Unis, les Européens réagissent d'abord en soutenant leurs banques puis en adoptant notamment un nouveau système de surveillance financière. A partir de 2010, l'Union doit répondre à la crise de la zone euro, marquée par l'ampleur de la dette souveraine et la perte de confiance des marchés. (...)

A ceux qui s'inquiètent des difficultés de la construction européenne, les optimistes opposent souvent ce mot de Jean Monnet : "J'ai toujours pensé que l'Europe se ferait dans les crises et qu'elle serait la somme des solutions apportées à ces crises."

Un peu plus de soixante ans après sa naissance, l'Union n'est pas au bout de son chemin. Elle est contestée par une partie des opinions publiques, qui lui reprochent d'être éloignée des citoyens et soumise à l'empire des marchés. Elle a encore du mal à concilier les intérêts divergents des vingt-sept pays qui la composent. Le comité Nobel lui a rendu hommage en lui décernant, en 2012, le prix Nobel de la paix pour avoir contribué à la "réconciliation" et à la "démocratie" en Europe.

Il lui reste à prouver qu'elle est capable de tenir sa place dans la compétition internationale face aux puissances, anciennes ou nouvelles, qui se partagent le monde.

Trouvé dans Le Monde aujourd'hui, le 22 décembre 2012.

Geen opmerkingen:

Een reactie posten