La métamorphose, réelle ou métaphorique, de l’homme en âne, tel est le fil conducteur de ce parcours à travers diverses réécritures d’un texte perdu de Lucius de Patras, connu grâce au récit de Lucien de Samosate et au roman d’Apulée. Que l’âne soit le spectateur des âneries humaines ou lui-même la cible des railleries de l’auteur, la métamorphose, dans ces nouveaux « ânes d’or », ne s’effectue pas à la gloire de l’homme. Sont passés en revue les réécritures et récits de Boiardo, Firenzuola, Machiavel, Pontano, Giovan Battista Pino, Latrobio, Carlo de’Dottori et Dario Fo.
[...]
De la satire lucianesque et apuléienne des mythes à la satire politico-sociale mise en scène par Dario Fo, nous avons assisté à une belle parabole sur la courbe de laquelle les ânes ont glissé, volé, caracolé, tout en brayant, ruant et pétaradant. Quel autre animal peut se targuer d’être aussi pittoresque, aussi diversement connoté, et, au final, aussi proche de l’homme à la fois par sa résistance et son humilité, ses défauts et ses qualités ? Entre l’humble bourricot et le noble cheval il y a le mulet, plus digne que le premier, plus solide que le second, mais privé de ce qui fait le piment de la vie. La mule du Pape est devenue proverbiale pour la vengeance qu’elle nourrit pendant sept ans, l’âne de Buridan pour être mort sans avoir su choisir. Ces images d’Épinal nous renvoient à un monde révolu, celui des contes et des fables, un monde appartenant désormais à une autre civilisation que la nôtre. C’est ce passé fabuleux que fait revivre Dario Fo, infatigable inventeur-découvreur d’histoires, un passé qui nous parle de notre monde moderne, de même que parlaient de leur monde ses prédécesseurs en matière « asinesca ». Mais jusqu’à quand les ânes nous parleront-ils ? Survivront-ils autrement que dans l’imaginaire ? Faudra-t-il un jour attendre d’aller au Paradis pour les rencontrer ?
Dans "Histoires d’ânes. De Lucius à Dario Fo", de Brigitte Urbani. http://italies.revues.org/1188
Geen opmerkingen:
Een reactie posten