vrijdag 14 september 2012

Sur les élites... Nous sommes tous des humains mais certains sont plus éclairés...

Christopher Lasch, La révolte des élites

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Le Banquet, n°10, 1997/1.
Domaine social - thème élites.

Castelnau-le-Lez, Climats, 1996, 271 pages, bibl., index.


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Dix jours après avoir achevé ce travail, l'Américain Christopher Lasch mourait d'une leucémie. Il se savait condamné, ce qui donne encore plus de poids à son ouvrage, dont le titre complet est La révolte des élites et la trahison de la démocratie. Disons-le d'emblée: il faut lire ce qui peut être considéré comme le testament d'un grand intellectuel anti-conformiste, politiquement très incorrect, inclassable et dérangeant, voire irritant. Vous ne le regretterez pas. Même quand vous serez en désaccord avec lui, vous en retirerez quelque chose, bien qu'il ait été écrit d'abord à propos des États-Unis.

Divisé en trois parties («L'intensification des divisions sociales», «Le déclin du discours démocratique», «L'âme dans sa nuit obscure»), ce livre part de «l'abîme qui s'est ouvert entre les classes privilégiées et le reste de la nation» (p. 15). D'un côté, des élites satisfaites du multiculturalisme et de la mondialisation qui leur profite, de l'autre des citoyens affrontant de dures réalités. Résultat: une démocratie en danger, faute de débat. À José Ortega y Gasset, qui, dans son essai La Révolte des masses, expliquait en 1930 la crise de la culture occidentale par la «domination politique des masses», C. Lasch répond en attribuant notre crise actuelle aux nouvelles élites qui ont perdu foi dans les valeurs démocratiques. Alors que la proportion des classes moyennes diminue dans la société, et que se creuse l'écart économique entre élites et «masses», écart renforcé par la méritocratie d'un système éducatif faussement démocratique, la notion d'obligation est oubliée dans le libéralisme triomphant, et l'argent sans frontière de la globalisation engendre, par l'affaiblissement de l'État-nation, fragmentation de la culture et résurgence des rivalités ethniques. Au lieu de prôner, au nom d'une vague «tolérance» et d'une méprisante compassion, la construction de communautés identitaires par la «discrimination positive» en faveur de certaines «ethnies», les élites «progressistes» devraient apprendre le respect des êtres humains, de leurs qualités et de leurs compétences. Elles devraient aider à construire de nouvelles communautés de quartiers fondées sur la sociabilité des «lieux intermédiaires» (comme les cafés), creusets du civisme. Elles devraient réapprendre l'art de la controverse pour qu'existe un débat public vigoureux plutôt que d'inonder les citoyens d'informations qui n'ont pas de sens en l'absence de discussion, car «le débat est l'essence de l'éducation» (p. 177).

Ce livre, d'une lecture agréable grâce à la traduction fluide et aux notes de Christian Fournier, s'applique pleinement à notre société — sauf sur quelques points, comme la religion —, dont il renvoie un reflet cruel. Ainsi les pages traitant du «pseudo-radicalisme universitaire» (pp. 181-197) montrent-elles bien comment, malgré leurs beaux discours, les universitaires de gauche, confortablement installés dans leurs chaires, ont pris des mesures qui sont allées à l'encontre de la démocratisation de l'enseignement sans gêner le moins du monde les intérêts du capitalismeCf. le livre remarquable de Jacques Barzun, qui montre les résultats désastreux de la politique éducative menée depuis soixante ans outre-Atlantique, 'Begin Here. ''The Forgotten Conditions of Teaching and Learning.' (The University of Chicago Press, 1991, XII-222 p., index). Le nom de l'auteur avait sauté dans la note 9 (page 134) de l'article de D. Franche dans le précédent numéro du 'Banquet'. Sur cet auteur, voir la recension de F. Lurçat dans le présent numéro..

Le Banquet, n°10, 1997/1.
Domaine social - thème élites.

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